Je ne me souviens plus exactement du jour ou du mois quand, mon désormais bon ami Serge Dorny m'a contacté pour la première fois, pour me proposer de mettre en scène le Tristan et Isolde à l'Opéra de Lyon. Mais c'était en 2010.
D'après ce qu'il m'a dit, il avait demandé à Gérard Mortier sur moi et Mortier lui avait dit qu'il travaillait toujours avec le tandem Padrissa/Ollé. Et il est vrai que, pendant quelques années, cela fut le cas. Mais pour cette oeuvre, Serge a voulu travailler avec moi seul, peut-être parce que je travaillais de manière indépendante déjà depuis un certain temps.
Je dois admettre qu'au début, j'étais hésitant. Juste après les dates que Serge m’avait proposé, j'avais la première de Quartett à la Scala de Milan, et sa proposition m'est aussi d'ailleurs parvenue à moins d'un an de l'échéance, ce qui est peu de temps pour une nouvelle création. Je crois que parce que le directeur qu'il avait initialement prévu pour Tristan ne pouvait plus le faire.
J'explique tout cela pour dire que, heureusement, Serge a fini par me convaincre, et cela a marqué le début d'une riche collaboration qui a duré jusqu'aujourd’hui. Au cours de ces onze années, j'ai produit six opéras et une pièce de théâtre musical. Tristan und Isolde a été le premier, suivi de Il prigioniero et Erwartung, Der Fliegende Holländer, Alcestes, Mefistofele, L'histoire du soldat et, enfin, Ariane et Barbe-Bleue. Cela fait de l'Opéra de Lyon le théâtre où j'ai le plus travaillé et où, en quelque sorte, je me suis forgé en tant que metteur en scène.
Je n'ai pas de mots pour remercier Serge pour tout ce qu'il a fait pour moi et pour tant d'autres créateurs de différents domaines artistiques. Serge est plus qu'un directeur artistique internationalement reconnu, il est aussi un agitateur culturel, comme l'était notre grand ami, qui continue de nous manquer, Gerard Mortier. C'est grâce à des gens comme eux que l'opéra a pu se réinventer, se moderniser et, ainsi, attirer un public plus hétérogène et plus jeune. Ils ont réussi à faire entrer dans le monde de l'opéra des créateurs issus de différentes disciplines artistiques telles que le théâtre, la vidéo, les arts plastiques, le cinéma, la littérature.... Et, en bref, ils ont fait en sorte que l'opéra soit plus vivant que jamais.
Je voudrais terminer en souhaitant à Serge tout le succès possible dans cette nouvelle phase qu'il entame maintenant à la Bayerische Staatsoper, où je suis sûr qu'il continuera à être l'une des figures clés de l'évolution du genre lyrique contemporain.
Àlex Ollé